Industrie complexe, l’ingénierie médicale exige une approche à long terme.
Les entreprises microtechniques qui sont en première ligne, adaptent leurs stratégies de production.
Et les fournisseurs de moyens de fabrication imaginent de nouvelles solutions.


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Il y a eu d’abord le Brexit, ensuite les guerres commerciales et les changements structurels dans les industries clés. Maintenant c’est la pandémie qui s’ajoute à ces bouleversements majeurs. Des changements brusques qui affectent de nombreux domaines industriels, l’automobile et l’aéronautique en premier. En revanche, plusieurs secteurs comme l’industrie médicale par exemple, deviennent prioritaires. Jusqu’à présent, les sous-traitants n’ont été que marginalement touchés par les revers économiques. Désormais ils sont confrontés à des menaces croissantes et à des défis considérables. Alors, les entreprises spécialisées dans la conception et la fabrication médicale, un marché qui a un potentiel de croissance important, doivent mettre en place des stratégies adéquates. « Industrie très complexe et soumise à des contraintes réglementaires fortes, le médical doit être abordé avec détermination et en visant le long terme », considère Niklas Kuczaty, directeur général du groupe de travail sur les technologies médicales de la VDMA (Fédération allemande de l’ingénierie mécanique). « Elle exige des niveaux élevés d’innovation et d’investissement, tout en bénéficiant d’une demande croissante qui ne dépend pas des cycles économiques. C’est une industrie qui reste stable et fiable, même en période de coronavirus. Néanmoins, il faudra résister avant que tout investissement puisse porter ses fruits. » Confrontée depuis longtemps aux défis de l’innovation et de la recherche, l’industrie microtechnique est bien armée pour aborder ce changement du secteur médical. Prototypage rapide, suivi de la qualité, traçabilité, traitement de matériaux différents et difficiles à usiner, personnalisation… Les sociétés spécialisées dans ce domaine rivalisent d’ingéniosité et n’hésitent pas à investir des sommes importantes aussi bien dans les machines-outils et la robotique que dans la formation de leurs employés pour faire face à ces contraintes. Comme Cryla Group, par exemple. « Pouvoir répondre aux spécificités d’un domaine aussi difficile que le médical fait partie de nos objectifs à long terme », assure Thierry Lezenven, directeur général de Cryla Group. « Notre organisation industrielle en pôles d’excellence positionne notre groupe comme une référence en matière de solutions globales, miniaturisées et intelligentes. » Essentielle dans le domaine médical, la qualité de la production fait l’objet d’une attention particulière chez Cryla. « Des outils de contrôle en temps réel de la production et de la qualité ainsi que des moyens de gestion visuelle s’ajoutent à une politique de certification étendue (EN 9100, ISO 13485 et 9001) ». Très prisé dans le domaine médical, le prototypage rapide et la capacité à fabriquer en petite série se généralisent dans l’industrie microtechnique. Cryla Group a ainsi crée une filiale, Scalia, spécialisée et dotée d’une machine de fabrication additive Stratasys.

Des matériaux difficiles à usiner

Des spécialistes de la fabrication additive, comme AGS Fusion, Spartacus ou GM Prod disposent d’un savoir-faire et de moyens d’impression 3D métal ou frittage laser qui répond parfaitement aux exigences de l’industrie médicale. Et notamment du secteur dentaire où il faut être capable de livrer dans des délais courts (24 à 48 heures maximum), une quantité importante de pièces uniques et de grande précision. « Depuis 2004 le secteur de la prothèse dentaire est une de nos activités principales et constitue le premier centre de fabrication additive métallique français », précise Philippe Gauthier, responsable de GM Prod.
Pouvoir traiter avec une haute précision des matériaux différents, souvent difficiles à usiner, est un autre impératif important de la fabrication médicale. Alors, les sous-traitants microtechniques spécialisés se dotent d’un parc machine adapté. Cryla Group a intégré par exemple, la société Megep, une PME réputée pour son savoir-faire dans le domaine de l’usinage complexe de haute précision indispensable pour répondre aux cahiers des charges complexes de l’industrie médicale.
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Doté d’un parc machines important et polyvalent, la société UND, dispose elle aussi de ressources puissantes. « Nous fabriquons par décolletage et usinage de précision sur nos différents sites des pièces de précision pour le médical, un domaine qui représente près d’un quart de notre production », explique Daniel Thomas, directeur de la société. Reprise et rectification cylindrique, production des forets et implants dentaires, traitement thermique, polissage… le savoir-faire polyvalent de l’entreprise est continuellement renforcé par un effort d’investissement qui représente près de 10 % de son chiffre d’affaires. 50 000 références de pièces pour le médical mais aussi pour d’autres domaines industriels, sont gérées informatiquement. Par exemple, le stock de matières premières composé de près de 1 500 dimensions et 200 références, qui permet de répondre à toute demande urgente. Sous-traitant spécialisé dans la micromécanique, IDMM fabrique aussi bien des composants destinés aux automates d’analyse de sang, que des pièces pour l’orthopédie, l’ophtalmologie ou le dentaire. « Notre parc machines qui compte 130 équipements de fraisage, tournage et décolletage de dernière génération, traite des pièces complexes en titane, Inconel, inox, aluminium, plastiques, alliages de cuivre… », explique Vincent Roullet, responsable commercial de cette PME qui fabrique des prototypes et des petites ou moyennes séries.
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Groupe d’envergure mondiale, Interplex est spécialisé dans la production de pièces et de sous-ensembles de précision et possède un savoir-faire polyvalent. Un atout pour aborder la complexité de la production médicale. Fondée en 2004, sa filiale Interplex Medical assure la conception, le développement et la fabrication de dispositifs médicaux de nouvelle génération pour les OEM et les startups. Dans des domaines aussi divers que l’endoscopie, la laparoscopie, le cardiovasculaire, l’orthopédie, l’urologie, les interventions et le périphérique vasculaire… Certifiée ISO 13485 et FDA, l’entreprise s’associe à ses clients dès les premières étapes du processus de développement de produits pour développer le dispositif médical adapté à leur demande. Interplex Medical fournit ainsi des prototypes fonctionnels pour les études cliniques de préproduction à court terme.
Polyvalence et haute précision sont également les mots d’ordre chez Lamenplast Group. Un spécialiste de la micro-injection, injection et bi-injection mais également du surmoulage et assemblage pour la fabrication de pièces techniques et/ou d’aspect, en petite, moyenne et grande série. « Nous assurons des opérations d’injection dans des matières hautes performances (Peek, LCP, PPS, PEI, PSU, PCT…) », indique Julien Roussel, directeur commercial du groupe. « Nos quatre entités, VP Plast, VP Molds, Master Plast et Sommepp, disposent d’un savoir-faire et de ressources adaptés à la production médicale. Sommepp par exemple, assure des études et des réalisations de moules techniques multiempreintes à très haute cadence. Et il dispose d’un atelier d’essai intégré destiné aux industries du luxe et du médical. »
Des équipements très précis, comme le centre d’usinage Yasda ou des automatismes, voire des contrôles optiques, sont adaptés ici à cette fabrication minuscule. Marquage laser, soudage par ultrasons, lignes de surmoulage en bande avec découpe intégrée, surmoulage automatique… les solutions de production polyvalentes de VP Plast répondent aussi bien aux besoins de l’industrie médicale que celle d’autres domaines exigeants.

Une réglementation toujours plus stricte

Les ressources de production de ces sous-traitants microtechniques démontrent la capacité des fournisseurs de logiciels de CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur), de robots, de machines-outils…, d’inventer toujours de nouvelles solutions adaptées à l’industrie médicale. Une quête de la perfection mais aussi de nombreux défis renforcés par le nouveau règlement européen sur les dispositifs médicaux (MDR). Les machines-outils utilisées pour la production d’implants et d’instruments chirurgicaux ou pour traiter les géométries complexes de prothèses micro-moulues, par exemple, doivent offrir un maximum de précision et de fiabilité. « La certification ISO 9001 est une exigence de base, mais il faut aussi être certifié ISO 13485 (gestion de la qualité de dispositifs médicaux) », souligne Christian Rotsch, chef du département d’ingénierie médicale à l’Institut Fraunhofer pour les machines-outils et la technologie de formation (IWU) de Dresde (Allemagne). La mise au point des cellules de fabrication spécifiques, comme celles fournies par Realmeca par exemple, est une autre voie royale pour répondre aux besoins de précision, de productivité et de qualité des utilisateurs.
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Les systèmes flexibles plébiscités

Exeron, un constructeur de machines d’électroérosion basé à Oberndorf am Neckar (Allemagne), s’est associé avec Erowa et Certa Systems pour développer une cellule d’automatisation originale pour un soustraitant médical. Filiale du groupe B. Braun et fabricant de produits médicaux vasculaires chirurgicaux, orthopédiques et interventionnels, Aesculap devait résoudre la quadrature du cercle : les géométries des composants requises étaient si petites et complexes qu’elles ne pouvaient pas être fabriquées par fraisage. Alors, la société et ses partenaires se sont tournés vers l’électroérosion. Un exemple qui illustre la complexité des applications médicales qui ont besoin souvent d’une réponse sur mesure. Une démarche que privilégie également le fabricant d’outils de coupe Horn. Ce dernier offre des solutions personnalisées pour l’usinage des vis osseuses en titane et en acier inoxydable, par exemple. Résultat : il a augmenté considérablement la durée de vie de l’outil en le refroidissant et en empêchant simultanément le risque d’accumulation de copeaux. Horn offre également des solutions spéciales pour l’usinage d’instruments chirurgicaux sous la forme d’outils de fraisage spéciaux, avec une profondeur d’usinage élevée et une largeur de coupe très étroite. Une solution qui fait ses preuves pour les forceps chirurgicaux, par exemple. L’entreprise mène également des recherches pour trouver de nouveaux revêtements et conditions de coupe pour les outils ainsi que les produits médicaux. La crise Covid-19 a généré un certain nombre de demandes urgentes pour Horn, comme l’exemple récent d’un client qui lui a demandé de résoudre des problèmes d’usinage dans la production des composants pour une machine coeur-poumon.
L’évolution du coût des nouveaux produits médicaux est une autre contrainte que les sous-traitants et leurs fournisseurs devront maîtriser à l’avenir. Pour Christian Rotsch, l’expert de l’IWU, « ce coût augmentera considérablement à l’avenir. En effet, les exigences en matière de réglementation des dispositifs médicaux sont une source de pression économique croissante pour les fabricants d’appareils médicaux. Une contrainte qu’ils transmettent aux fabricants et aux fournisseurs de machines. Néanmoins, certains moyens peuvent réduire les coûts. Comme le post-traitement automatisé des pièces ou l’utilisation de la fabrication additive qui assure l’intégration de nouvelles fonctions et favorise le passage de la production de masse vers des produits personnalisés. Cependant, le facteur de réussite le plus important pour les entreprises demeure toujours leur réponse aux aspects réglementaires et à l’assurance de la qualité. » Avis aux amateurs…
www.vdma.org
www.cryla-group.com
www.ags-fusion.fr
www.farinia.com/fr/societes/spartacus3d
www.fabrication-additive.com/gm-prod
www.megep.fr
www.und-franois.fr
www.idmm-machining.com
www.interplex.com
www.lamenplast.group
www.realmeca.com
www.erowa.com
www.certa-systems.com
www.exeron.com
www.horn.fr

Une croissance continue

153-012-004.jpgSelon une étude du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem), le marché français des dispositifs médicaux a totalisé en 2019 un chiffre d’affaires de 30 milliards. Soit, près de 7 % de croissance par rapport à 2016 quand ce secteur a réalisé un chiffre d’affaires de 28 milliards d’euros. Le taux de croissance de l’export en 2019 était de 10 % et 201 nouvelles entreprises sont apparues en trois ans. Au total indique l’étude, 1 502 entreprises, dont 93 % de PME, exercent dans ce secteur et créent près de 90 000 emplois directs. Un quart d’entre elles sont étrangères (30 % sont américaines, 52 % européennes), généralement de grosses structures. Plus de la moitié des employés ont un diplôme supérieur ou égal au BAC+4. 3 750 brevets sont déposés chaque année. Il s’agit d’entreprises à la pointe du développement 4.0, car 51 % déclarent développer des produits connectés. 6 % du chiffre d’affaires global est alloué à la R&D, qui s’appuie sur des partenariats publics/privés. Les deux tiers des entreprises ont un volet recherche et développement. 13 % des structures, des startups, sont exclusivement actives en R&D. Néanmoins, les entreprises françaises spécialisées affrontent une réglementation complexe qui rend difficile l’accès au marché. Elles doivent de plus, faire face à une forte concurrence étrangère. Réalisée sur 21 entreprises représentatives du secteur, l’étude du Snitem a pris en compte les dispositifs médicaux tels que le matériel médical, les différents implants, l’équipement médical ou encore les logiciels.

Date de publication : septembre 2020

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