Le CEA-List développe des outils pour la simulation virtuelle rapide de circuits intégrés. 
Le couplage avec des jumeaux numériques permet de simuler le matériel avant sa conception, 
et de tester les logiciels avant que le matériel ne soit réalisé. Source : monsitj – AdobeStock
Le CEA-List développe des outils pour la simulation virtuelle rapide de circuits intégrés. Le couplage avec des jumeaux numériques permet de simuler le matériel avant sa conception, et de tester les logiciels avant que le matériel ne soit réalisé. Source : monsitj – AdobeStock

Utilisées dans toute la chaîne de production, les nouvelles technologies (Intelligence Artificielle, réalité augmentée, cobotique…) améliorent sensiblement la productivité et la qualité tout en assurant la réduction des coûts et le développement durable. 

L’industrie n’a pas attendu l’arrivée des outils d’IA générative comme Chat GPT, pour mettre en œuvre des programmes qui cherchent à imiter le raisonnement humain grâce à des algorithmes de calcul puissants. Apparus dès 1965, les premiers systèmes experts étaient ainsi capables de modéliser le raisonnement d’un spécialiste humain, en reproduisant ses mécanismes cognitifs. Ces logiciels pouvaient réaliser des déductions ou conclusions, et expliquer la manière dont les résultats étaient obtenus. L’utilisation dans les usines de la CFAO (conception et fabrication assistées par ordinateur), de machines-outils à commande numérique évoluées ou de cobots illustrent également cette démarche technologique irréversible. En effet, le développement accéléré de nouveaux moyens électroniques et d’outils logiciels ne cesse de perfectionner ces solutions et d’en créer de nouvelles, avec comme corollaire une meilleure utilisation de l’avalanche de données que collectent les multiples capteurs installés dans les usines pour mieux contrôler, en temps réel, la production. Confrontée à des impératifs extrêmes de précision et de qualité imposés par la perpétuelle miniaturisation des objets et la nécessité d’intégration de nombreuses fonctions dans des volumes restreints, l’industrie microtechnique doit être capable de fabriquer des pièces en diminuant les coûts et les délais. Elle adopte donc de nouveaux moyens technologiques dans chacun de domaines de la chaîne de production. Ainsi, dans les bureaux d’études, l’utilisation de l’intelligence artificielle et du cloud computing permet désormais une utilisation intensive du jumeau numérique. Intégrant l’électronique et le logiciel embarqué, cet outil de simulation puissant permet d’analyser sur toutes ses coutures un futur produit ou processus de production et de réduire considérablement le temps ainsi que leur coût de développement. 

Des simulations plus vraies que nature

Une démarche qui améliore sensiblement la qualité des équipements, qu’il s’agisse d’une machine-outil automatisée ou d’un robot. « Avec la forte augmentation du contenu électronique et logiciel des produits et des systèmes, il y a un besoin évident de solutions de simulation », explique Jean-Marie Brunet, vice-président et directeur général de la division Hardware Assisted Verification de Siemens Digital Industries Software qui a noué une collaboration dans ce domaine avec le CEA-List, l’institut de recherche technologique spécialisé dans les systèmes numériques intelligents du CEA. Objectif : assurer des recherches conjointes visant à améliorer et étendre les capacités du jumeau numérique grâce à l’intelligence artificielle (IA) et à l’intégration du logiciel embarqué dans les plateformes virtuelles et hybrides. Une collaboration qui s’appuie sur le portefeuille Xcelerator de Siemens. Ce dernier couvre tout, des outils logiciels et matériels d’automatisation de la conception électronique (EDA) aux logiciels de simulation.

Installation cobotique de soudage Source : Esab

Installation cobotique de soudage Source : Esab

Les outils technologiques du CEA-List assurent également une meilleure intégration de la conception électronique, du développement de logiciels et de l’ingénierie mécanique. « Nous disposons d’un savoir-faire étendu dans les domaines des jumeaux numériques immersifs et fonctionnels (XDE et Papyrus), de l’intelligence artificielle et de la vérification de code », précise Alexandre Bounouh, directeur du CEA-List. 

Dassault Systèmes, Topsolid, Open Mind Technologies… Les éditeurs de logiciels de CFAO font, eux aussi, appel aux jumeaux numériques. Topsolid, par exemple, propose deux outils, TopSolid’CamSimul et Topsolid’CamOptimize ; l’un, de vérification des programmes ISO et l’autre, d’optimisation des codes ISO. Des solutions qui réduisent significativement le temps de production et utilisent le logiciel de simulation des programmes d’usinage ISO Eureka de Roboris. Opérant sur les jumeaux numériques de la machine, des outils et de la pièce, Eureka détecte les anomalies (erreurs de trajectoires, collisions, copeau hors-spécificatio, etc.). Résultat : il évite tout incident de la machine-outil et simplifie l’organisation de la production. Un investissement qui est, selon les spécialistes de Roboris, amorti entre 3 et 5 mois. Eureka supporte tout type de machine-outil et tout type de commande numérique (Heidenhain, Fanuc, Siemens, Num, OSAI, Z32, Fidia, Selca, etc.). TopSolid’CamOptimize adapte la vitesse d’avance en permanence, dans et hors la matière. Le retour sur investissement est de quelques mois, le gain moyen constaté étant de 15 %. 

La puissance de l’intelligence artificielle (IA) réduit sensiblement le temps de conception d’un assemblage. La commande "Replace Part" du logiciel Solid Edge indique les relations au sein de l’assemblage et propose des solutions alternatives viables. Source : Siemens
La puissance de l’intelligence artificielle (IA) réduit sensiblement le temps de conception d’un assemblage. La commande « Replace Part » du logiciel Solid Edge indique les relations au sein de l’assemblage et propose des solutions alternatives viables. Source : Siemens

« Le jumeau numérique est la reproduction 3D, la plus fidèle possible, d’une usine, d’une cellule robotisée ou d’une ligne de production, avec l’ensemble de ses ressources industrielles et humaines ainsi que ses flux de production », précisent quant à eux, les spécialistes de Dassault Systèmes. Ce « double digital » s’adapte à une chaîne de production ou bien au site de production dans son intégralité. 

Des automatismes intelligents

Modulaire, la suite logicielle Delmia Twin de Dassault Systèmes s’inscrit dans ce scénario en permettant différentes démarches intelligentes. Avec Robotics Engineers, on peut, par exemple, développer un environnement 3D interactif pour créer, simuler et valider des automates industriels. Les ingénieurs peuvent positionner des ressources et simuler des outils et des robots pour valider des applications robotiques (telles que la manutention). 

L’étude de la faisabilité d’assemblage de produits en 3D est assurée par le module Assembly Evaluation tandis qu’Ergonomics permet des simulations humaines réalistes et la vérification de la faisabilité des tâches dans un environnement 3D (ramasser un objet, effectuer un trajet, utiliser un outil sur une chaîne de production).

L’automatisation intelligente et sur mesure s’impose aussi dans les ateliers pour répondre aux mêmes objectifs de qualité et de délais. 

Fabricant de câbles, de chaînes porte-câbles et de guidages linéaires, igus propose un système intelligent de surveillance de l’état de ces composants. Baptisé i.Sense, ce dernier élimine les immobilisations imprévues et améliore la disponibilité des machines. Son secret ? Des plastiques intelligents qui sont le fruit d’une l’alliance entre les polymères hautes performances conçus par igus et la technologie des capteurs de dernière génération. Ces derniers saisissent des facteurs mécaniques – comme les forces de traction – et de poussée et électriques – comme la qualité d’un câble. Le module i.Sense, placé dans l’armoire électrique, évalue toutes les données des capteurs et déclenche des actions de suivi en fonction de celles-ci. Cette connexion permet un passage direct dans la commande de la machine ainsi qu’une visualisation grâce à un tableau de bord disponible en ligne. 

La cobotique mobile flexibilise le processus de production. Ici, une installation automatisée conçue par DMG Mori. Source : MS
La cobotique mobile flexibilise le processus de production. Ici, une installation automatisée conçue par DMG Mori. Source : MS

Les constructeurs de machines-outils et d’outillages se mettent, eux aussi, au goût du jour en adoptant à marche forcée de nouveaux moyens d’automatisation et de mise en réseau des machines. Ne manquent pas à l’appel les jumeaux numériques et, signe de temps, les solutions de production durable. DMG Mori s’est ainsi lancé dans cette transfiguration de ses solutions d’usinage en coopération avec de nombreux partenaires. Comme Horn pour les outils intelligents ou Siemens pour l’utilisation des jumeaux numériques. Grâce à ces nouveaux moyens et à une conception originale, les machines-outils deviennent de véritables mini-usines.
Le centre d’usinage F 6000 d’Heller, par exemple, est une machine polyvalente conçue pour assurer des opérations de tournage, de taillage d’engrenages (power skiving), de fraisage trochoïdal, d’usinage 5 axes simultanés et de rectification cylindrique extérieure. Les centres de tournage-fraisage de la série G d’Index, quant à eux, allient flexibilité et productivité. Comment ? Grâce à une cellule robotisée modulaire, la iXcenter, et une station de mesure, ce qui permet le contrôle en temps réel des pièces. Spinner, dont les machines sont commercialisées en France par Realmeca, a ajouté à son centre de tournage Microturn des moyens de rectification. 

Le développement durable est également un impératif pour tous les constructeurs de machines-outils. Mazak propose la stratégie environnementale Go Green et les tableaux de bord Smooth Energy ainsi que Mazak iCONNECT. Commercialisés sous le label « Green-Smart Machines », les équipements d’Okuma réduisent la consommation d’énergie grâce à des technologies intelligentes. Comme le concept Thermo-Friendly qui compense les fluctuations de température ou encore l’ECO Suite Plus qui offre des capacités d’économie d’énergie grâce à la régulation de la rotation inefficace de la pompe, la surveillance du fonctionnement continu des équipements décentralisés, etc. 

Le cobot mobile d’ABB. Source : MS
Le cobot mobile d’ABB. Source : MS

La numérisation du processus d’usinage est une autre tendance forte. Les machines d’Heller disposent d’une interface de services qui garantit la transparence des processus de fabrication, de maintenance et de service tout au long du cycle de vie de la machine. Cette option réduit les temps d’arrêt des machines en fournissant des évaluations et des statistiques. Heller adopte également les jumeaux numériques qui fournissent une image virtuelle de la machine, un modèle de simulation qui se comporte exactement comme la vraie machine. Chez Hermle, les machines-outils disposent de moyens de connexion intelligents qui facilitent les échanges d’informations avec les autres équipements de l’atelier et d’automatismes adaptés aux différentes applications. Des modules numériques fournissent des informations essentielles pour le bon fonctionnement de la machine, comme le réglage, ce qui permet une adaptation dynamique et intelligente des paramètres de la commande numérique. 

Les cobots deviennent mobiles

Ainsi, le module de production numérique contient divers outils de gestion des informations et de contrôle de l’automatisation, tandis que le module de service comprend des systèmes de maintenance, de diagnostic et de surveillance à distance. Les fabricants de systèmes de fixation d’outils ne sont pas en reste. Le porte-outil sensible iTENDO² développé par Schunk, s’installe même sur les machines existantes. Ce système intelligent fournit des données en temps réel directement à partir de l’outil en détectant l’usure à un stade précoce. « Il démontre ses avantages dans toutes les applications pour lesquelles la qualité des surfaces à traiter est primordiale, par exemple dans le perçage de précision », précise Markus Michelberger, responsable des ventes « Technique de serrage » chez Schunk. Un système qui peut être surveillé et réglé en ligne via le réseau IO-Link. Devenus de véritables compagnons de l’opérateur humain, les cobots ne cessent de gagner en intelligence et sont désormais mobiles. Capables de souder, découper, plier, etc., ils font leurs preuves dans de nombreuses applications de production. Des solutions que l’on retrouve chez ABB, Fanuc, Stäubli, Universal Robots, Yaskawa… 

Les centres de tournage-fraisage de la série G d’Index allient flexibilité et productivité grâce à la cellule robotisée modulaire iXcenter et une station de mesure. Ce qui permet le contrôle en temps réel des pièces. Source : MS
Les centres de tournage-fraisage de la série G d’Index allient flexibilité et productivité grâce à la cellule robotisée modulaire iXcenter et une station de mesure. Ce qui permet le contrôle en temps réel des pièces. Source : MS

Dans le domaine si essentiel de la mesure, l’intelligence artificielle (IA) se développe en améliorant la vitesse des opérations de contrôle, l’autonomie et la personnalisation de l’offre. Des avancées technologiques qui se retrouvent dans l’offre des spécialistes, comme Bruker Alicona, Hexagon, Metrologic Group, Mitutoyo, Zeiss… Pionnier parmi les pionniers, Bruker Alicona utilise depuis quelques années les capacités de l’intelligence artificielle pour étendre les possibilités de ses solutions originales de mesure optique. 

Les défauts de production sous haute surveillance

« L’intelligence artificielle facilite, dans les applications de contrôle des états de surface, la caractérisation des pièces. Comme par exemple, la qualité du grenaillage des pièces aéronautiques », précise Anne Calvez, responsable de Bruker Alicona France. Pour améliorer les opérations de contrôle-mesure dans la production, Bruker Alicona fait appel à des jumeaux numériques. Même démarche pour PTC qui a ajouté la solution Step Check à sa plate-forme de réalité augmentée Vuforia. Cet outil facilite et améliore l’inspection visuelle dans le contrôle de la qualité. Step Check réduit le risque d’erreurs en combinant la réalité augmentée et l’intelligence artificielle pour détecter des assemblages non conformes, des pièces manquantes ou mal alignées, ou encore tout autre défaut connexe. Le logiciel d’inspection visuelle 2|inspect de Hopie Tech GmbH fait appel, lui aussi, aux algorithmes d’intelligence artificielle. Couplé à un microscope numérique, ce dernier permet l’inspection de très petits objets, tels que des fiches électroniques et des contacts. Après une courte phase de formation, le logiciel prend en charge l’inspection initiale des composants qui est ensuite confirmée par un contrôleur humain. En parallèle, le logiciel documente chaque étape d’inspection par des photos et génère un rapport PDF complet.

Le logiciel MetMax de Bruker Alicona automatise les routines de mesure grâce à des jumeaux numériques qui associent la planification
des mesures avec les données CAO et la simulation. Source : Alicona
Le logiciel MetMax de Bruker Alicona automatise les routines de mesure grâce à des jumeaux numériques qui associent la planification des mesures avec les données CAO et la simulation. Source : Alicona

Fournisseur d’une offre polyvalente, Metrologic Group propose des solutions d’avant-garde. Son logiciel Metrolog X4 est capable de gérer de grands nuages de points et de fournir une comparaison en temps réel avec la CAO (conception assistée par ordinateur). L’utilisateur dispose des données 3D analysées numériquement sous la forme d’un jumeau numérique. Objectif futur : constituer un système qui garantira une production sans défauttout simplement grâce à la prédiction automatique des aléas de production avec un contrôle à 100 % des pièces pendant leur fabrication. « Lorsque les métrologues programment les scénarios d’inspection hors ligne avec des jumeaux numériques, qui sont des répliques virtuelles exactes de leur environnement et de leur équipement réel, la MMT ou le robot restent disponibles pour la production », soulignent les spécialistes de Métrologic Group. « Simulés et testés virtuellement, ces programmes d’inspection permettront à nos logiciels d’optimisation Silma d’anticiper toute erreur ou risque de collision. »

Amazon teste les robots humanoïdes pour des tâches de manutention. Source : Amazon
Amazon teste les robots humanoïdes pour des tâches de manutention. Source : Amazon

Même approche pour Hexagon Manufacturing Intelligence (HMI) qui exploite cette voie grâce à ses différents savoir-faire réels ou virtuels (métrologie industrielle, conception et ingénierie, logiciels pour la production). Ses jumeaux numériques donnent ainsi aux utilisateurs des armes pour lutter contre la non-qualité grâce à la corrélation entre les mondes réels et virtuels. La plate-forme numérique MAINDO de Marposs intègre la surveillance, la mesure, les tests ainsi que d’autres dispositifs tout au long du processus de production. L’utilisateur peut ainsi combiner le contrôle de la qualité et avec celui du processus dans une vue holistique de surveillance de la production. 

Ces avancées technologiques et le progrès inexorable des solutions intelligentes préfigurent-ils une usine qui fonctionnera sans aucune surveillance humaine mais avec des robots humanoïdes dont le développement s’accélère ? L’avenir le dira…

www.sw.siemens.com
https://list.cea.fr/fr/
www.3ds.com
www.topsolid.com 
www.openmind-tech.com
www.igus.fr
https://fr.dmgmori.com
www.marposs.com
www.alicona.com/fr/
www.zeiss.fr
www.schunk.com/fr/fr
www.ptc.com/fr
www.metrologic.group
www.hexagon.com/fr
https://new.abb.com/fr
www.fanuc.eu
www.staubli.com/fr
www.heller.biz/fr
www.hermle.de/fr
www.realmeca.com
www.mazakeu.fr

Date de publication : janvier 2024

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